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Mention manuscrite et disproportion

28/02/2018 14:11
Toute entreprise est un jour amenée à recourir au crédit bancaire, à fin d’acquisition, d’investissement ou plus simplement pour palier un besoin urgent de trésorerie.

Afin de s’assurer du bon recouvrement des fonds prêtés, la Banque dispose d’un arsenal de garanties variées (nantissement de fonds de commerce, gage de matériel, etc.) mais, le plus souvent, c’est le cautionnement solidaire du dirigeant social qui sera sollicité par l’établissement prêteur.

Pour éviter un risque d’endettement personnel des dirigeants sociaux trop important, le Législateur a intégré au sein du Code de la consommation des dispositions particulièrement formelles et protectrices de la caution.

Après de longs errements, les Juridictions de l’ordre judiciaire ont, dans l’ensemble, défini une jurisprudence assez nette venant régler les principales difficultés découlant du cautionnement.


  La mention manuscrite : une défense révolue ?

Dans un premier temps, les dispositions des articles L341-2 et L341-3 du Code de la consommation (devenus L331-1 et L331-2), imposant la rédaction de mentions manuscrites légalement déterminées, ont reçu une application stricte et particulièrement favorable aux dirigeants-cautions.

Le premier de ces textes disposait :

« Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui- même. » »

Le second précisait :

« Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : « En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du code civil et en m’obligeant solidairement avec X…, je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X… ». »

La moindre coquille ou ponctuation mal placée lors de la reproduction de ces textes permettait ainsi au plaideur d’obtenir la nullité pure et simple du cautionnement au prétexte que la mention reproduite n’était pas exactement identique à la mention légale.

Aujourd’hui, les Juridictions adoptent une interprétation moins rigoriste – sans doute plus rationnelle – de ces textes et ne prononce la nullité que si la mention reproduite « modifie le sens ou la portée de l’engagement de la caution ».

Poursuivant cette logique, la Cour de cassation a plus récemment jugé que le fait pour une caution de se référer, par erreur, à l’ancien article 2021 du Code civil au lieu du nouvel l’article 2298, au contenu identique, ne permettait pas d’obtenir la nullité du cautionnement (Com., 20 avr. 2017, n°15-20.053).

Cette Jurisprudence, désormais assise, associée à une refonte par les Banques de leurs formulaires, a largement tari le contentieux de la mention manuscrite.

Seules de rares erreurs formelles permettent encore au dirigeant d’échapper à sa garantie : c’est le cas, par exemple, d’une signature de la caution précédant la mention manuscrite ou s’intercalant en son sein.


  La disproportion : le moyen utile.

Le second pan majeur du contentieux en matière de cautionnement tient à la notion de « disproportion ».

Le cautionnement souscrit par le dirigeant social doit être proportionné à ses revenus et biens, à défaut de quoi cette garantie sera privée d’effet.

Ainsi l’article L341-4 du Code de la consommation dispose :

« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

C’est donc un double contrôle qui doit être opéré :
 
  • Si le cautionnement est jugé proportionné, au jour de la signature du cautionnement, le dirigeant sera condamné.
  • Si, à l’inverse, le cautionnement apparaît comme disproportionné au jour de sa signature, il conviendra alors d’analyser la proportionnalité au jour où la caution est actionnée. L’établissement bancaire bénéficie en quelque sorte d’une session de rattrapage…
  • Si le patrimoine du dirigeant lui permet de face à son engagement, il y sera condamné : c’est le retour à meilleure fortune.
  • Si le cautionnement demeure disproportionné, il sera privé d’effet.
L’appréciation de la proportionnalité, par le Juge, est parfaitement subjective mais se fonde heureusement sur quelques critères objectifs dégagés au fil des années.

D’une part, les « biens et revenus » visés par le texte sont entendus de façon large et couvrent finalement l’ensemble du patrimoine de la caution, en actif comme en passif.

Au passif, il s’agit, essentiellement, des engagements bancaires dont la caution est débitrice par ailleurs.

Au plan actif, il s’agit bien sûr des salaires ou dividendes perçus par le dirigeant (et de son époux commun en biens), mais également et surtout de ses biens immeubles, généralement estimés à leurs valeurs nettes (soit la valeur du bien diminuée du capital restant dû).

En principe, il peut s’agir aussi de la valeur des parts sociales détenues dans une société tierce mais aussi dans la société cautionnée elle-même.

Cependant, sur ce dernier point, la Jurisprudence a intelligemment précisé que les « perspectives de développement » de la société cautionnée ne devaient pas être prises en compte.

En droit, il s’agit d’une interprétation stricte du texte qui impose de considérer le patrimoine de la caution au jour de son engagement.

Au-delà, il s’agit d’une décision logique puisque, par définition, le dirigeant caution n’est appelé en paiement que le jour où sa situation périclite : ainsi, prendre en considération « les perspectives de développement » d’une société qui a, finalement, dépéri, reviendrait à récompenser une erreur d’anticipation du prêteur.

D’autre part, l’analyse de la proportionnalité appelle, comme on l’a vu supra, un double contrôle : au jour de sa signature et, si la disproportion est avérée, au jour de l’appel en paiement de la caution dirigeante.

Or, sur la question de la date de « l’appel en paiement », la Jurisprudence a tardé à s’affirmer.

Selon les plaideurs et les Juridictions, quatre dates différentes étaient évoquées :
 
  • Le jour où le débiteur principal (la société) faillit à ses obligations ;
  • Le jour où la caution est mise en demeure de payer ;
  • Le jour où la caution est assignée ;
  • Le jour où le Juge rend sa décision.
Si les deux premières propositions ont rarement été retenues, le choix entre les deux dernières a été longtemps débattu, chacun soutenant la date « qui l’arrangeait ».

En faveur de la date d’assignation il était soutenu, notamment, qu’un procès sur la notion de disproportion était long, se poursuivant bien souvent devant une Cour d’appel, la Cour de cassation voire une Cour de renvoi.

Autant dire que la dernière Juridiction saisie ne pouvait utilement comprendre et critiquer le travail de son prédécesseur, plusieurs années auparavant (la réforme annoncée vers l’appel « voie de réformation » confirme cette position).

En faveur de la date de Jugement, il était souvent considéré que la ratio legis, comme l’équité d’ailleurs, imposait de prendre en compte le retour à meilleure fortune.

Schématiquement, il serait injuste de considérer comme disproportionné un cautionnement si, entre la date d’assignation et de Jugement, le dirigeant social gagnait au loto !

Par un arrêt en date du 1 er  mars 2016 (N° 14-16402), la chambre commerciale de la Cour de cassation a, enfin, affirmé une position claire : « pour apprécier si […] le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée, le juge doit, en principe, se placer au jour où la caution est assignée ».

Ce principe ne souffre que de rare exceptions, à savoir que, lorsque la Loi interdit d’actionner la caution (plan de sauvegarde en cours), la date d’appréciation est logiquement reportée.  

Au fil des années, les moyens de défense de la caution purement formels ont ainsi été vidés de leur substance, laissant aux Juridictions et aux plaideurs le soin de débattre sur le sujet – plus utile – de la disproportion.

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