Cautionnement : disproportion, défense au fond et prescription
Ainsi que nous l’avons étudié par ailleurs, la disproportion de l’engagement de caution (art. L341 – 4 du c. conso.) est devenue le moyen phare des débiteurs souhaitant s’opposer aux demandes en paiement présentées par les Banques.
Confronté à une situation délicate qui risquait sans doute de conduire au rejet de ses prétentions, le Crédit agricole de Centre Loire a eu l’idée – assez originale – d’opposer aux cautions la fin de non-recevoir tirée de la prescription de leur demande tendant au constat de la disproportion, considérant pour ce faire que « le point de départ du délai de prescription doit être retenu à la date de conclusion du contrat de cautionnement, date à laquelle les cautions connaissaient leurs biens et leurs revenus ainsi que l’éventuelle disproportion existant entre ces derniers et leur engagement ».
En sommes et selon la Banque, les cautions disposaient de 5 ans pour faire valoir la disproportion de leurs engagements à compter de la signature de ceux-ci.
Comme il fallait (peut-être) s’y attendre, la Cour d’appel de BOURGES, par arrêt du 30 juin 2016 (n°15/01041) a rejeté l’argument du Banquier.
Le motif retenu a été le suivant :
« en l’absence de commencement d’exécution, l’exception soulevée par [les cautions] au titre des dispositions de l’article L341 – 4 du code de la consommation n’est pas soumise à la prescription rappelée ci-dessus de sorte que le Crédit Agricole ne peut utilement invoquer celle-ci ».
La règle de base est en effet bien connue : « quae temporalia sunt ad agendum perpetua sunt, ad excipiendum » que l’on traduit par « Les actions sont temporaires, les exceptions perpétuelles ».
En d’autres termes, si l’action afin de nullité peut être affectée par la prescription, l’exception de nullité – par hypothèse soulevée en défense – est pour sa part imprescriptible à défaut de commencement d’exécution du contrat.
Si le principe posé est juste, sa transposition en matière de disproportion du cautionnement est juridiquement erronée selon la Cour de cassation.
En effet, la demande formée par une caution, tendant à la reconnaissance du caractère disproportionné de son engagement, ne peut en aucun cas être qualifiée « d’exception de nullité » et ne peut donc recevoir application des règles ci-avant rappelées.
D’ailleurs, la lettre même de l’article L341 – 4 du code de la consommation (devenu L332-1 et L343-4) ne sanctionne pas de « nullité » le cautionnement disproportionné mais prévoit que le créancier « ne peut s’en prévaloir ».
La Haute Juridiction, substituant son propre raisonnement à celui de la Cour d’appel pour en arriver aux mêmes fins, est venue préciser que l’argument des cautions, tiré de la disproportion de leurs engagements, est une « défense au fond », telle que prévue par l’article 71 du Code de procédure civile, à laquelle la banque ne pouvait en conséquence opposer la prescription (Civ. 1ère, 31 janv. 2018, n°16-24.092 : JurisData : 2018-000976).
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